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Il ne faudrait peindre que par nécessité, mû par un besoin inexplicable, issu de la profondeur de notre être. Il ne s’agit pas de vouloir faire une belle peinture ni de vouloir réaliser une œuvre d’art majeure : c’est le pire qui puisse nous arriver. Nous pouvons être sûr que l’élan initial sera alors détourné et que la qualité intrinsèque de la peinture va en pâtir. Il lui manquera cet impalpable qui fait qu’une œuvre nous touche, en deçà de toute explication rationnelle.

Apprendre à s’asseoir devant la feuille, devant les couleurs, vide d’intention. Laisser l’inspiration guider la main dans le silence de notre recueillement. Il nous faut cultiver une disponibilité alerte qui, jour après jour, éprouve notre degré de sincérité, de vérité.

Sentir sur le vif, lorsque l’impatience, le besoin de réaliser une œuvre s’en mêlent. Face à ces dynamiques internes, revenir en son assise interne, s’arrêter et respirer. Retrouver la vacuité d’un esprit ouvert qui pressent une orientation mais ne se fige pas sur une réussite programmée.

En cours de réalisation, prendre le temps de regarder la peinture, sous différentes lumières. Oser attendre le lendemain, parfois plus longtemps encore, avant de rajouter une couleur, une ligne. Laisser la peinture nous livrer son secret, sa secrète alchimie. Attendre l’évidence, ne pas la forcer. Elle est parfois longue à se manifester.

Aller marcher, regarder le ciel, les arbres, les fleurs. Oublier l’œuvre en cours.

Parfois la direction initiale, se réoriente vers un inconnu qui nous surprend, nous fait peur. On hésite : « Est-ce vraiment là que ça doit aller ? » On interroge l’univers : « Tu es sûr de ton coup-là, parce que moi, je suis perdue, je ne sais plus. » Se laisser suivre l’ordre subtil donné par l’œuvre même si cela ne correspond pas à ce que nous avions imaginé.

Oser l’inhabituel, sentir le besoin de sécurité qui pourrait entraver le geste. Reconnaitre sur le vif ce frein puis soutenue par le souffle, sauter dans l’espace de la couleur, de la matière, de la forme, sans plus aucun filet.

De temps en temps cela semble raté, fichu. On désespère de trouver une cohérence, une harmonie. Ne rien condamner, savoir attendre. L’évidence se cherche, elle est en gestation. Elle a besoin d’une petite touche, d’un petit rien ou d’un large coup de pinceau imbibé d’eau pour laver le premier jet, sans complètement l’effacer. Subrepticement, la voilà à nouveau qui se dévoile.

De temps à autre, c’est vraiment raté ! Savoir détruire sans regret. Dans ce raté, il y a des leçons à prendre. Il peut s’agir de leçons très concrètes relatives aux matériaux utilisés ou de leçons plus essentielles relatives à notre attitude intérieure dans l’acte de peindre.

Une fois pleinement reconnu, ce raté peut initier un nouvel élan. Nous osons entrer dans l’aventure de la création avec encore plus d’audace et de liberté.

Comment accompagner le processus créatif sans s’imposer ? Comment le soutenir par notre savoir-faire et notre présence sans l’étouffer ? Il s’agit d’être pleinement avec, tout en se laissant disparaître.

L’œuvre en cours nous enseigne la liberté, le lâcher prise et la confiance dans l’imprévu.

Nous ne sommes pas obligés de savoir manier un pinceau. Nous pouvons inscrire chacun de nos gestes dans la trame de l’univers en visant l’harmonie avec la totalité et faire de notre vie une œuvre d’art.

 

– Revenir au rien fondamental et originel, au point de vraie pureté en nous.

 

Notes d’atelier, été 2023


 

 
« Dans l’obscurité existe la lumière, Ne regardez pas avec une vision obscure, Dans la lumière existe l’obscurité, Ne regardez pas avec une vision lumineuse. »
Taisen Deshimaru
« La sphère est une merveille une source jaillissante, son point se tient tout immobile. »
Maître Eckart